• Laurent godard

    Le Point - Publié le <time datetime="2012-09-13T00:00" itemprop="datePublished" pubdate=""> 13/09/2012</time>

    Le farfelu Laurent Godard anime un village imaginaire niché dans le 10e.

    Laurent Godard arbore le drapeau de Flateurville.

    Laurent Godard arbore le drapeau de Flateurville. © Gilles Rolle/REA

    "Là, nous sommes dans le jardin du château de la fleur bleue, celui où réside la Shériff despotique. Ecoutez ! " chuchote Laurent Godard, qui déclenche alors sur son smartphone des bruits inquiétants de jungle à la nuit tombée...

    Nous sommes à Flateurville, village imaginaire et planétaire que cet artiste peintre (mais aussi comédien, écrivain, cinéaste, conteur et... extracteur de dents) s'amuse à créer à partir de lieux investis au gré de ses voyages et de ses rencontres. Y figurent une ancienne tannerie à Essaouira, une ferme ostréicole à l'île de Ré, une tour HLM à New York, un château en Bourgogne ou la piscine Molitor. Des lieux dont on lui confie les clés, qui sont reliés par écrans interposés et qu'il meuble tous sur le même modèle, avec du matériel de récupération.

    Celui que nous visitons se trouve au 24, cour des Petites-Ecuries, dans les 600 mètres carrés qu'occupaient auparavant les anciennes imprimeries du journal Le Parisien. "Un lieu de vie, de création, d'exposition et de réception", explique Laurent Godard. Insolite ? C'est peu dire ! Dans la première "salle de jeux" : quelques fauteuils-clubs éventrés, une Mobylette, un juke-box, de vieux tapis, un garage ("pour réparer ton scooter ou ton hélicoptère"), une petite infirmerie (qui "peut se transformer en bloc opératoire si on est au milieu de nulle part"), un cabinet de dentiste, un bar "pour aider les gens à décrocher de leurs addictions", et notamment du terrible alcool de fleur bleue "qui donne mauvaise haleine et provoque la parodontite bleue".

    Car Flateurville est à la fois un concentré de tout ce qui va mal et une zone de ralliement possible pour ceux qui veulent un monde plus doux. "Pour ceux qui veulent aider les "pecnocrates", responsables du mal évident, à changer." Comment ? En réveillant l'artiste qui sommeille en eux. D'ailleurs, "chacun de nous est invité à réveiller l'artiste qui est en lui et chaque enfant est invité à ne pas le laisser dormir".

    Partout sur les murs, des toiles de Laurent Godard. Réalisées selon la méthode du dripping, dont usait Pollock, et qui consiste à peindre par coulures sans poser le pinceau sur la toile, elles représentent les habitants fictifs de ce lieu insolite : P'tit Louis, adolescent boutonneux qui s'ennuie à mourir dans ce triste village, Susan, une femme peintre revenue à Flateurville après vingt-cinq ans d'absence, Jean-Baptiste, le fils du curé, Mouss, le petit Gitan, Marcel, le mauvais bougre, fraîchement sorti de prison, à qui la Shériff a confié la garde de la piscine communale (Molitor). Et puis encore Lorette, la fille de Marcel, dont la chambre kitschissime est décorée de poupées, d'un tableau noir, d'un bureau d'écolier et d'un tapis en "moumoute".

    Entre fiction et réalité, le visiteur, éberlué, passe de pièce en pièce, chacune conçue comme un lieu de vie, découvrant des fragments de l'histoire des habitants de Flateurville sur des écrans de télévision. Un étonnant parcours narratif en perpétuelle évolution dont le scénario est punaisé au mur.

    Difficile de ramener Laurent Godard à la réalité. Ce quadra volubile, farfelu, humaniste, vit avec ses personnages, filme leurs aventures et travaille activement à l'écriture d'un manifeste, celui de la "révolution flateuse". Celle de la sagesse. Il n'est pas seul pour cela. A Flateurville, le visiteur peut être ami du village (celui qui passe par hasard), citoyen flateurvillois (celui-ci reçoit une carte d'identité et est informé des différents événements flateurs) ou véritables flateurs. Ces derniers participent à la réflexion du manifeste, mettent leurs compétences au service d'un village meilleur et peuvent se rendre en résidence dans tous les lieux flateurs pour quelques heures ou une semaine. Huit artistes, peintres, vidéastes, photographes ont d'ailleurs la clé du 24, cour des Petites-Ecuries. "Il y a toujours des draps dans le lit et des brosses à dents neuves", assure le loufoque créateur des lieux.

    Droit de douane.

    Les flateurs ont un signe de reconnaissance, visible par exemple aux lunettes, le "carré rond"- "droiture du carré, douceur du rond " - et se flattent de n'utiliser que ce qui les fait vibrer, comme ce vieux taxi anglais qui sert de moyen de transport à Laurent Godard. Les autres, curieux ou voisins, peuvent venir flâner dans ce lieu poétique et étonnant, chaque jeudi soir à partir de 19 heures, moyennant un "droit de douane" de 5 euros. Tarif bien insuffisant pour couvrir les frais de ce gigantesque local. Alors, des concerts y sont donnés, des soirées privées organisées. "J'échange aussi des tableaux contre l'occupation des différents lieux ", assure l'artiste, qui regrette de ne pas avoir convaincu encore suffisamment de Parisiens à devenir flateurs. Message transmis. D'autant que la fête de la Saint-Barnabé tournante, orchestrée par la Shériff, est en préparation.


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